Le mardi 2 décembre à 16h, assistez à la soutenance de thèse de Jamal Eddine El Aakil El Fakih intitulée "Communication & Performance in Industrial Projects : A Social Network Analysis".
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à 16h - 12 rue Jean Antoine de Baïf - Salle D6
- IAE Paris-Sorbonne
Résumé de la thèse
Cette thèse examine comment les structures de communication façonnent la coordination et la réalisation des projets d’ingénierie et de construction à grande échelle, et soutient que les projets, bien que considérés comme des organisations temporaires, doivent également être compris comme des réseaux. En tant qu’organisations temporaires, les projets sont délimités dans le temps et dans le périmètre, avec des rôles et des objectifs définis. Cependant, les résultats de cette recherche montrent que leur performance ne dépend pas uniquement des structures hiérarchiques et des procédures formelles, mais aussi des schémas de relations à travers lesquels l’information circule, les décisions sont prises et les problèmes sont résolus. L’adoption de cette perspective relationnelle permet de voir les projets comme des systèmes dynamiques et évolutifs d’interactions, dont la topologie se transforme lorsque de nouveaux outils digitaux sont introduits. Le cadre empirique est celui de JESA, une grande entreprise d’ingénierie et de conseil qui gère des projets complexes impliquant de multiples parties prenantes. L’argument central est que la communication n’est pas seulement un processus managérial, mais aussi une propriété structurelle de l’organisation. Lorsque les plateformes digitales reconfigurent les liens entre les acteurs, elles modifient la manière dont l’information circule, la rapidité avec laquelle les décisions peuvent être prises et la façon dont la coordination se déploie tout au long du cycle de vie du projet. Le travail se déploie à travers trois études complémentaires qui comparent le réseau prévu par le management, le réseau qui se forme réellement dans la pratique et le réseau qui devient possible lorsque la communication transite par la plateforme digitale nommée « Collab ».
Le cadre théorique combine quatre dimensions. Les projets sont considérés comme des organisations temporaires qui nécessitent une clarté des rôles, une coordination contrainte dans le temps et une capacité d’adaptation à mesure que les tâches et les équipes évoluent. La « Social Network Theory » (SNA) fournit le langage et les mesures permettant de considérer la communication comme une structure, en mobilisant des concepts tels que la densité, la centralité, le diamètre et la longueur moyenne des chemins afin d’identifier les goulots d’étranglement et d’évaluer l’accessibilité. Collab est interprété à travers une approche « plateforme comme genre », où les fonctionnalités de visibilité, de persistance, de possibilité d’édition et d’association stabilisent les attentes sur qui communique, sous quel format et à quelle fin. Enfin, le cadre relie les propriétés des réseaux à la performance dans des conditions d’échelle et d’interdépendance, en avançant que des réseaux plus connectés et avec des chemins plus courts sont plus susceptibles de favoriser une livraison rapide lorsqu’ils sont régis par des règles claires. La conception de la recherche combine plusieurs sources de données au sein d’une étude de cas unique. Les organigrammes et les cartographies des processus définissent la structure de communication prévue par le Management. Une matrice d’accès des utilisateurs issue de Collab identifie les liens potentiels créés par le chevauchement de leurs autorisations. Les métadonnées anonymisées des courriels capturent les échanges réels de communication, tandis que des entretiens avec les parties prenantes du projet documentent les liens perçus de reporting et de collaboration. Chaque source est transformée en un réseau basé sur les rôles et analysée à l’aide des mesures standards de la SNA, tant au niveau du réseau qu’au niveau des nœuds. Les résultats révèlent une progression claire. Le réseau de communication prévue par le management apporte clarté et efficacité mais concentre la communication dans quelques pôles centraux. La pratique réelle, telle que capturée par les courriels et les entretiens, s’écarte de ce schéma initial, produisant des chaînes plus longues, une représentation inégale des parties prenantes externes et une forte dépendance à certains intermédiaires. Le réseau rendu possible par la plateforme contraste fortement avec les deux précédents : il redistribue l’accès, égalise l’accessibilité entre les rôles et permet une collaboration transversale directe avec moins de goulots d’étranglement. La communication financière reste plus étroitement contrôlée, tandis que les échanges liés à la planification et à la qualité deviennent largement inclusifs, les acteurs externes y jouant des rôles significatifs. Ces transformations illustrent que les projets, lorsqu’ils sont envisagés comme des réseaux, subissent des changements structurels lorsque des plateformes digitales sont introduites, mais que les bénéfices dépendent de la gouvernance, de la formation et de l’adoption afin d’éviter la surcharge d’information et l’ambiguïté des rôles.
La thèse apporte une contribution conceptuelle en reformulant les projets comme des réseaux de dimension multiple plutôt que comme des hiérarchies statiques ou de simples organisations temporaires. Elle montre comment le désalignement entre les réseaux prévus, réels et médiés par la plateforme peut ralentir les décisions et fragmenter la collaboration, tandis que l’alignement entre les différentes structures de communication améliore la coordination et la réactivité. Sur le plan méthodologique, elle démontre comment des approches SNA multi-sources intégrant documents, données de plateformes, métadonnées des courriels et entretiens peuvent diagnostiquer les goulots d’étranglement structurels et suivre l’évolution des réseaux. Sur le plan théorique, elle relie les fonctionnalités des plateformes aux transformations mesurables des réseaux et affine la distinction entre la distinction entre les ancrages structurels qui assurent stabilité et clarté, et les circuits d’échange qui facilitent la circulation des informations et des ressources, en montrant comment les plateformes numériques peuvent élargir les canaux tout en conservant les ancrages essentielles grâce à des règles de gouvernance.
Les résultats résonnent également avec l’argument de Granovetter sur la force des liens faibles ainsi qu’à la théorie des trous structuraux de Burt. Les plateformes digitales, en réduisant la centralisation et en raccourcissant les chemins, augmentent la probabilité de créer des liens transversaux qui véhiculent des informations nouvelles entre des parties du réseau auparavant déconnectées. Ces connexions latérales offrent un accès à des silos de connaissances diversifiés, accélèrent la résolution des problèmes et réduisent les redondances, concrétisant ainsi le potentiel des liens faibles et du franchissement des trous structuraux dans des environnements de projets complexes. Dans l’ensemble, la thèse montre que la technologie seule ne suffit pas. Les systèmes de communication les plus efficaces émergent lorsque les outils digitaux sont combinés à une gouvernance réfléchie, une adaptation culturelle et une surveillance continue des dynamiques du réseau. C’est à l’intersection de la conception organisationnelle, du comportement humain et des infrastructures numériques que réside l’opportunité de créer des réseaux de communication non seulement plus connectés, mais aussi plus intentionnels, plus résilients et plus favorables à la réussite des projets.
Membres du jury
- Frédéric GAUTIER, Professeur, IAE-Paris, Université Paris 1 Sorbonne, Direction de thèse
- Pierre FÉNIÈS, Professeur, Université Paris II Panthéon-Assas, Rapporteur
- Thierry FOUQUE, Professeur, Université Paris Nanterre, Rapporteur
- Ouidade SABRI, Professeur, IAE-Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Suffragant
- Mahmoud ISMAIL, Enseignant chercheur, Université Mohammed VI Polytechnique, Suffragant
- Youssef EL BETTAY, Director Head Digital Data & AI, Jesa S.A, Invité
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